samedi 30 janvier 2010

866 - Le vrai amour

L'amour authentique n'est pas une niaiserie pour âmes sensibles, pas un savon parfumé à la lavande qui nous glisse entre les mains pour mieux fondre dans l'eau comme un mirage indolent...

Il ne faudrait pas prendre le réel amour pour ces fadaises indolores aux effluves aseptisés car l'amour n'a rien à voir avec la rêverie.

Le véritable amour n'est pas romantique. Il est fait pour les guerriers. A la fois doux et viril, violent et pudique, plein d'éclairs et de timidité mêlés, c'est un tonnerre qui chante, un tambour briseur de rêves, un sifflement strident qui acidule le sang : l'amour fait naître à la réalité.

C'est un cierge qui glace, une pâquerette déchue, une neige qui prend froid, un vent qui se fige, une vague en forme d'eau : l'amour est inattendu.

Le baiser de la cendre contre la bouche d'égout, telle est l'image de l'amour : aux antipodes de tous les clichés.

L'amour, le vrai ? Une patate brûlante dans la bouche ! Une soupe qui fait vomir si elle est trop douce, voluptueuse quand elle est amère.

Un bouquet d'éblouissantes épines, voilà l'amour. Ce n'est pas une caresse qui endort mais une gifle qui réveille. A condition de tendre volontairement la joue car l'amour qui sonne juste accepte aussi de se faire mettre à la porte. C'est ce qui fait sa gloire : on peut refuser l'amour.

Tout à la fois crucifiant et d'une extrême délicatesse, d'une infinie discrétion et désagréablement tonitruant, l'amour est une trompette désaccordée, un piano aux sons de cloches, une tempête d'éléphants...

L'amour vrai, c'est tout le sel de la mer dans un morceau de sucre. Pire : un sucre dissout dans l'océan.

C'est également la pornographie des fleurs, la blancheur des sexes, la noirceur de l'humour. Et la grisaille du ciel. L'amour grandeur nature ce n'est pas que les extrêmes, c'est aussi toutes les nuances de la tiédeur.

L'amour qui frappe l'innocent n'a peur de rien, sauf d'être coupable.

L'amour digne de ce nom gronde, grelotte, se grise d'un rien, impatient d'affronter l'impossible. C'est un gredin couvert de givre qui attend le lever du jour afin de se mesurer au soleil.

mercredi 27 janvier 2010

INTERVIEW PAR UNE JOURNALISTE DU "POINT"

- Raphaël Zacharie de IZARRA, sur le web vous êtes connu depuis quelques années pour vos célèbres impostures littéraires. Votre plus beau "succès" si je puis dire est la récente affaire du faux Rimbaud ("Le rêve de Bismarck"). Même le spécialiste Jean-Jacques Lefrère s'est laissé entraîné bien malgré lui dans cette farce sophistiquée qui à ce jour encore passe pour un document authentique auprès de ceux qui "savent" !

Vous irritez et amusez le sérail de la blogosphère rimbaldienne mais laissez indifférent la plupart des (vrais) spécialistes qui vous prennent pour un hurluberlu, quand ils ne vous ignorent tout simplement pas. N'étant guère pris au sérieux par ces derniers, paradoxalement c'est ce qui fait votre force : vous avez su avec grande subtilité (et presque honteusement) tirer profit des suspicions nées autour de la "trouvaille" de Charleville-Mézières. Un trésor littéraire aux accents, paraît-t-il, faussement rimbaldiens selon ceux qui vous suivent, des non-spécialistes admettez-le. Mais pas tous il est vrai (de vrais amoureux de Rimbaud par ailleurs fins lettrés ont émis des critiques décisives sur la valeur littéraire du document), d'où le malaise que vous répandez depuis l'origine des événements.

En mars 2008 vos assertions pour le moins troublantes ont fait trembler la rédaction du "Figaro" qui a dû consacrer un second numéro quelques jours après la révélation de la découverte pour faire taire les rumeurs de falsification.

Hors des sphères officielles, mais également chez quelques courageux exégètes, on a beaucoup glosé sur le sujet. Plus d'un remet en cause son caractère prétendument littéraire... Nous en direz-vous plus que ces spécialistes, vous qui prétendez être l'auteur de cette complexe entourloupe ?

RZDI - Il faudrait savoir ! Ce texte est-il littéraire oui ou non ? Tel érudit enivré par le supposé parfum du grand poète se dégageant du "Rêve de Bismarck" se pâme, intarissable d'éloges quant aux hauteurs de ce texte, tel autre professeur de lettres juge sans intérêt ce "songe prussien" digne d'une rédaction de collégien.... Face à mes divulgations, "Le Figaro" a publié un démenti : réaction suspecte susceptible de fonder des opinions contraires, non ? C'est plutôt maladroit de la part d'un quotidien dit sérieux.

- On est en droit de penser qu'effectivement il y a là matière à polémiquer.

RZDI - J'ai monté ce vaste canular pour plusieurs raisons. Toutes ne sont pas avouables, je ne dévoilerai que l'essentiel. D'abord pour me moquer des snobs admirateurs du fameux Arthur. Mais surtout, et là mon dessein est très louable, pédagogique, afin de dénoncer la vraie imposture littéraire consistant non dans la fabrication de faux documents mais dans la sotte et béate admiration de certains textes indigents avalisés par leurs illustres signatures.

J'avais expliqué dans un article de justification à l'adresse de mes détracteurs -article d'une grande sincérité- comment je m'y étais pris pour mener à bien cette entreprise de falsification, prouvant que le temps avait été mon allié de choix, moi qui ne travaille pas.

Inutile de vous rappeler les maintes étrangetés et douteux hasards entourant les circonstances de la découverte du "Rêve de Bismarck"... Cela devrait suffire pour ébranler tout esprit critique. Or je constate, non sans amusement, que la crédulité est la chose la mieux partagée parmi ceux qui justement sont censés être dotés d'une solide carapace intellectuelle... Ce qui en dit long sur les errances de la psychologie humaine. Ne serait-ce que pour cette seule raison, l'imposture n'est pas vaine, bien au contraire. En tous points, je la qualifie d'édifiante.

- Pourtant les "preuves" que vous apportez sont minces. Rien de palpable jusqu'à maintenant.

RZDI - Précisément, entretenir le doute me permet de consolider les bases de l'imposture. Je cultive avec patience et sagesse mon triomphe futur. Lorsque les pro-Rimbaud seront bien enracinés dans leurs certitudes et que j'estimerai la poire mûre, bonne à être sacrifiée sur l'autel de la vérité, je déclencherai un grand tremblement de terre sur la planète littérature. J'ai le temps avec moi, je le répète. Le temps et la détermination. Le rire, c'est mon arme redoutable dans cette bataille. Le rire salvateur, celui qui accouche des cinglantes et nécessaires petites vérités intellectuelles et non le rire stérile qui humilie l'adversaire.

Je ne souhaite nullement léser mes ennemis lettrés dans leur amour-propre mais les élever à hauteur de la justesse de vue izarrienne.

- On pourrait appeler cela de la prétention, n'est-ce pas ?

RZDI - En effet. Mais il s'agit là de prétention izarrienne, précisons-le. La prétention chez moi n'est pas une mauvaise chose vous savez. Elle permet de remettre certaines pendules à l'heure. Si la prétention est le moteur de la vérité, je ne vois pas où est le problème.

- Quelle sera votre prochaine imposture littéraire, monsieur IZARRA ?

RZDI - Ecoutez, la plus belle imposture à vocation pédagogique consiste encore à laisser croire à ceux qui se pensent très malins le contraire de la vérité, à laisser tourner leur imagination quant à la réalité de mes desseins, par conséquent je vous laisse imaginer ce que vous voudrez bien imaginer selon votre capacité à concevoir des chimères ou des murs de granit, votre habileté à discerner le vrai de l'artifice.

Et ça aussi voyez-vous, c'est finalement très pédagogique.

- Une réponse en forme de non-réponse en somme. Du grand IZARRA ! Merci en tout cas d'avoir bien voulu répondre à mes questions. Après cette interview mémorable comment résister au plaisir -ou délicieux déplaisir- de lire vos prochaines "tartes et matraques" http://izarralune.blogspot.com/ sur votre blog ?

mardi 26 janvier 2010

865 - La misère du mâle

Sur le grand échiquier de la séduction les mâles sont devenus des limaces.

Les mollusques quadragénaires ont pris leurs marques dans cette société de célibataires où rien ne dure entre Mars et Vénus. La concurrence pour l'incessante conquête amoureuse les rend pitoyables jusqu'à l'indignité : dans l'espoir de gagner les faveurs incertaines des femmes ces caniches épilés rampent, fléchissent le front, avalent la poussière, tous attributs masculins rentrés.

C'est à celui qui passera pour le plus veule.

Le grand gagnant sera celui qui se montrera le plus mielleux, convenu, effacé, lisse auprès de la femelle convoitée qui lui octroiera la récompense suprême : un collier de toutou pour le promener auprès d'elle dans sa vie de dominé.

Et il prendra sa docilité pour de la galanterie...

L'homme a perdu sa crinière. Les femmes ont bien compris l'avantage qu'elles peuvent tirer de l'émasculation cérébrale des prétendants à l'alcôve, profitant pleinement de leur récent statut de dominantes pour imposer leurs règles du jeu à la gent soumise.

L'ordre séculaire de l'amour a été inversé. Hier le lion désignait sa partenaire, impérial. L'homme était un seigneur, un cerf, un conquérant.

Aujourd'hui les lois de l'hymen sont dictées par la femme.

Dévirilisé, déjà trop abâtardi pour se résoudre à séduire la femme avec les arguments martiaux inspirés par sa nature, le sexe fort a adopté les moeurs aseptisées du féminisme ambiant. Désormais c'est lui qui est choisi par la femme.

C'est le mâle qui se prosterne aux pieds du sexe opposé !

Ayant perdu toute fierté, pudeur, décence, honneur, la génération des castrés "propose sa candidature" à la femme...

Voilà le comble de la misère masculine à mes yeux : courber l'échine pour conquérir l'amante ! Tristes normes de l'époque...

Dans ma conception saine et glorieuse des rapports amoureux, c'est la femme qui baisse les yeux devant son prince.

C'est elle qui pleure, implore, espère.

Chez moi c'est la femme qui, soumise, heureuse de son sort, se réjouit d'avoir été élue par le sceptre du phallocrate et non le gentil basset rasé de la tête aux pieds qui fait le beau devant sa maîtresse !

Les porteurs de bouquets de fleurs sont des minables, des poltrons prostitués à la cause féministe qui, tels des coq déplumés préférant faire profil bas face à la concurrence de plus en plus âpre pour la conquête féminine, n'osent plus affirmer leur virilité triomphante.

dimanche 24 janvier 2010

864 - Canis Majoris

Pendant des millénaires on nous faisait croire à des pyramides aux angles mystérieux, à des villes faites d'or massif, à des géants jouant aux billes avec les constellations.

La réalité était bien plus inimaginable.

D'ailleurs nul ne l'avait imaginée et elle a dû traverser nos télescopes modernes pour se présenter telle quelle à notre humaine conception. Nos plus folles légendes, qui finalement ne sont que des particules d'indigence cérébrale, des rêveries de fourmis, des atomes incolores d'imagination aseptisée sont pulvérisées face à l'incommensurable richesse de la réalité.

Ce qui n'est pas crédible, voilà l'essence des choses.

Les vraies chimères, je veux dire les tangibles, sont celles que l'homme -manquant d'audace- n'a jamais pu inventer. Tout ce qu'il a sorti de sa cervelle bouillonnante et qu'il prenait pour des folies s'avèrent n'être que d'insipides banalités.

Aucune intelligence ne pouvant raisonnablement s'égarer trop loin dans le réalisme, la plupart des merveilles du monde nous échappent.

Ainsi, faute de sortir de nos cerveaux, Canis Majoris est entré par nos lunettes astronomiques : un titan du cosmos qui demain peut-être passera pour un nain.

Comme toujours, la réalité comble l'absence de la fantaisie humaine.

L'homme ne croit qu'aux petites choses, ses rêves sont de brève portée... Il n'admet que l'admissible quand tout autour de lui témoigne que l'impossible est la norme.

Miracles sur miracles, tel est le pain quotidien de ce bipède borné qui se prosterne devant Jupiter, son plus grand dieu, alors qu'au-delà de ce trône de microbe l'oeil d'un chien -un milliard de fois plus vaste que la barbe de Jupiter- regarde et l'homme et son dieu...

C'est parce que Canis Majoris n'existe pas dans l'imagination de l'homme qu'il brille dans le ciel.